Mon envie avec TJENBE RED c’est de raconter l’intimité de Zig, sa candeur enfantine qui jure avec son casier, ses petits plaisirs du présent face à ses casseroles du passé. Raconter comme il est difficile pour lui de dépasser l’image de délinquant qui lui colle à la peau. Décrire cette douloureuse et impossible quête de reconnaissance. Dire comment, en attendant toujours de lui le pire, on le condamne à faire le pire. Zig s’accroche pourtant à toutes les maigres perspectives qu’on peut lui offrir, à tous les intérêts qu’on lui montre. Je veux raconter comment, un petit voyou naïf avec un trop plein d’amour peut voir dans la chimère de la paternité la solution de tous ses maux au point de vouloir y plonger comme un chien fou. Raconter la douceur de celui qui sait être violent.
Aussi ce film est l’occasion pour moi d’enfin pouvoir raconter une histoire en Martinique, île où a grandi mon père et où est retourné vivre aujourd’hui ma mère. La Martinique j’y suis venue comme Casey, “par période”, en général un mois d’été pendant les vacances scolaires que je passais chez ma grand-mère, mes oncles et tantes. Ce petit territoire occupe chez moi une place importante de mon identité, un rocher auquel je me suis toujours attachée pour justifier de ma différence. Les loulous je les ai souvent croisés, sous les kiosques des communes ou sur les places de Fort de France mais surtout dans mon imaginaire, et d’après ce qu’il aime me raconter, ils sont un peu ce qu’était mon père à leur âge, fier et fougueux. Évidemment, en faisant mes repérages, je me suis rendu compte que c’était bien plus complexe que ça. En rencontrant des jeunes, des juges, des assistantes sociales et des éducateurs j’ai pu comprendre la situation très délicate de beaucoup d’entre eux, sans soutien familiale, pour qui il s’agit plus de survivre que de vivre. Avec Jordan, j’ai compris que l’image oisive et fière qu’il donne à voir n’est qu’une carapace, une protection, forgée pendant des années de galère et de déception. Mais le point de départ de ce projet c’est quand même cette fascination curieuse que ces jeunes hommes ont toujours suscité chez moi, par leur marginalité et leur rapport au présent.